1- Interdiction de la Riba
Le terme « Riba » désigne, dans le droit musulman, tout avantage ou surplus perçu par l’un des contractants sans aucune contrepartie acceptable et légitime du point de vue de la Sharia. Le Riba a deux formes principales:
• Riba-Al-fadl : Il s’agit de tout surplus concret perçu lors d’un échange direct entre deux choses de même nature qui se vendent au poids ou à la mesure.
• Riba-Annassia : Le surplus perçu lors de l’acquittement d’un dû, dont le paiement a été posé comme condition de façon explicite ou implicite dans le contrat, en raison du délai accordé pour le règlement différé. Riba-Annassia est le type le plus répandu dans la société, notamment à travers les crédits, des prêts et des placements proposés par les établissements bancaires et les organismes de financement traditionnels.
Ce différencie le Riba dans ses deux formes de la vente d’un bien ou d’un service, est que la contrepartie perçue n’est considérée comme acceptable dans le droit musulman, que qi elle vise à compenser quelque chose de légitime, comme :
• la perte de valeur liée à l’usage d’un bien (dans le cas de la location d’un bien),
• l’effort fourni pour la réalisation d’un objet (dans le cas de la vente d’un bien produit par le vendeur),
• ou le travail accompli pour l’obtention d’un bien matériel et le risque engagé dans sa prise en charge (dans le cas de la vente d’une marchandise achetée à autrui).
Selon l’orientaliste français Jaques Austruy (« l’islam face au développement économique», collection économie et humanisme, les éditions ouvrières. Paris 2006), la prohibition du Riba dans toutes ses formes semble être l’une des conséquences de l’égalitarisme recherché dans la loi musulmane. Car d’après lui, cette interdiction est fondée sur la double affirmation que le temps appartient à Dieu seul et ne peut être vendu, et que l’argent, en lui même, n’est pas productif. Ainsi, la interdit le retrait par le prêteur d’un quelconque avantage de son prêt, sauf si cet avantage est librement accordé par l’emprunteur après remboursement du prêt et sans en constituer une condition tacite ou explicite.
2- Interdiction du Gharar et du Maysir
La Sharia exige également, dans les affaires et le commerce, qu’il n’est pas permis de conclure de transaction qui renferme du Gharar. Le Gharar peut être définit comme étant tout flou non négligeable au niveau d’un des biens échangés et/ou qui présente en soi un caractère hasardeux et incertain. C’est le cas notamment :
• lorsque la vente porte sur une marchandise qui n’est pas déterminée de façon précise.
• lorsque la transaction est conclue sans que le prix de la marchandise ne soit fixé de façon claire.
• lorsque la transaction porte sur une marchandise déterminée que le vendeur ne possède pas encore.
• lorsque le transfert de propriété est conditionné à un évènement hasardeux.
Ceci correspond en finance conventionnelle aux produits ou transactions à terme caractérisées par une incertitude évidente quant à leur réalisation, tels que les Futures, les Swaps ou les autres produits financiers plus complexes comme les Subprimes.
De la même manière, le Sharia interdit les transactions basées sur le Maysir. Etymologiquement le Maysir était un jeu de hasard, dans le domaine économique, il désigne toute forme de contrat dans lequel le droit des parties contractantes dépend d’un événement aléatoire. Ainsi, chaque contrat doit avoir tous les termes fondamentaux (tels que l’objet, le prix, les délais d’exécution et l’identité des parties) clairement définis au jour de sa conclusion. Les juristes musulmans encouragent par ailleurs fortement la satisfaction de toutes les conditions préalables avant la signature du contrat. Ceci différencie clairement Les banques Islamiques des institutions de prêt à intérêt, basée sur le principe que l’on peut acheter sans payer et vendre sans détenir, ce qui alimente constamment la spéculation et porte préjudice à la stabilité du système bancaire.
Le risque calculé d’un investissement est autorisé par la Charia, en revanche l’interdiction des contrats à terme impliquant le Gharar et le Maysir vient du fait que le risque de fausse anticipation d’évolution des marchés pourrait remettre en cause la réalisation de transactions basées sur l’incertitude, la spéculation, ou même la détention délictuelle d’une information privilégiée et préalable. Les juristes musulmans justifient également la prohibition de ces transactions par la nécessité d’orienter les fonds disponibles au financement de l’économie réelle, au lieu de les laisser alimenter les bulles financières vides de toute productivité et de richesse utile.
3- Interdiction des investissements illicites
La Sharia exige également que tout musulman ne peut traiter des biens jugés illicites ou Haram. En effet, il existe des exigences quant à la nature de l’activité dans laquelle un investissement demeure conforme aux impératifs moraux et religieux tels que dictés par l’Islam. Ainsi, les jeux de hasard, les activités en relation avec l’alcool, avec l’élevage porcin ou encore avec l’armement, avec l’industrie cinématographique suscitant ou suggérant la débauche et les activités liées à la pornographie en particulier constituent des secteurs d’investissement prohibés dans l’Islam. On retrouve ce principe d’exclusion dans la finance éthique en faveur du développement durable et dans l’investissement socialement responsable.
Du point de vue financier, les sous-jacents de tout type de contrats doivent également être conformes à la Sharia. Typiquement, dans le cadre d’une prise de participation sous la forme d’actions, un certain nombre de secteurs dont les activités sont considérées comme illicites sont à exclure de l’univers d’investissement.
4- Principe du Partage de Profits et de Pertes
La Finance Islamique est souvent qualifiée de « participative », à partir du fonctionnement des contrats de participation, elle a mis en place un système basé sur le Partage des Pertes et des Profits (appelé communément le principe des « 3P »). Ce système permet d’associer le capital financier au capital humain, et exige que la participation doit être fixé dans une proportion et non par un bénéfice à la signature du contrat.
Plus concrètement, un investisseur doit confier ses fonds à un entrepreneur avec qui il partagera les bénéfices en fonction de la performance de l’actif sous-jacent, il devra également partager toute perte éventuelle avec cet entrepreneur si celle-ci n’est pas due à une négligence ou une faute grave de ce dernier. Ainsi le client d’une banque Islamique a pratiquement un statut d’actionnaire dans les investissements liés à ses contrats et son revenu prend la forme de dividende. C’est dan ce sens que la finance islamique est considérée comme étant liée au capital-risque et au private equity.
5- L’ « Asset Backing »
Toute transaction financière doit être sous-entendue par un actif pour être valide selon la Sharia. La tangibilité de l’actif signifie que toute opération doit être obligatoirement adossée à un actif tangible, réel, matériel et surtout Détenu.
Ce principe de l’« Asset Backing » permet de renforcer le potentiel en termes de stabilité et de maîtrise des risques et rassure notamment quant aux problématiques de déconnexion de la sphère financière à la sphère réelle.
Le principe de la tangibilité des actifs est également une manière pour la finance islamique de participer au développement de l’économie réelle par la création d’activité économique dans les autres domaines.