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Banque islamique «Les réticences se sont dissipées»

La part de marché ne dépassera pas 5% en 5 ans
Les spécificités du système bancaire marocain
Un livre pour sortir des amalgames sur la finance participative
Abderrahmane Lahlou, opérateur dans l’Education scolaire, expert auprès du groupe Banque mondiale et universitaire, vient de publier un livre sur le financement participatif. Le livre traite de l’économie et finance en Islam: «Une éthique pour stabiliser l’économie et recadrer la finance». Le livre a pour ambition de s’adresser à un large public. Ce choix n’est pas anodin. A travers cette publication, l’auteur s’adresse à des spécialistes, mais aussi à une cible peu informée sur la finance islamique. «La vision que l’Occident a de l’Islam est pleine d’amalgames. Elle ne met en valeur que de fausses allégations de violence. Je voulais montrer autre chose, que l’Islam a une vision sur des choses importantes telles que l’économie et la finance», explique Lahlou.
– L’Economiste: Vous venez de publier un livre qui traite de l’éthique pour stabiliser l’économie et recadrer la finance. Quels enseignements pour le Maroc à la veille du lancement des 1ers guichets «islamiques»?
– Abderrahmane Lahlou:
L’impératif de stabiliser l’économie et de recadrer la finance prend tout son sens dans un contexte international où le capitalisme financier a positionné la finance en tant qu’industrie à part entière, autonome, voire déconnectée des contraintes de l’économie réelle. Ceci n’a pas manqué de provoquer des bulles financières préjudiciables à la santé des marchés financiers et où prolifèrent les actifs toxiques. Ce qui a conduit à des krachs boursiers et, dans le contexte de 2008, à une crise financière sans précédent, relayée par une crise économique dont le monde entier ressent encore les séquelles. Imaginez qu’en 2008, les produits financiers dérivés, dont certains découlent de véritables opérations de poker, constituaient un volume de 800.000 milliards de dollars alors que le PDT mondial agrégé, qui représente la richesse réelle produite, ne constituait que 800 milliards de dollars. Dans le contexte marocain, force est de constater que notre système financier est relativement stable car la résilience dont il a fait preuve tient à sa taille et à sa bonne gouvernance.
– Mais aujourd’hui, l’on redoute que l’entrée de guichets alternatifs vienne cannibaliser les produits de banque classique…
– Je ne suis pas de cet avis, car le produit bancaire islamique est essentiellement affinitaire. C’est-à-dire qu’il s’adresse à une population qui le recherche pour des raisons de conviction, touchant autant l’émotionnel que le rationnel. En clair, les banques conventionnelles garderont leur clientèle et conserveront la majorité de leurs encours. J’ai l’habitude d’estimer que la part de marché des banques participatives ne dépassera pas les 5%  au terme des 5 prochaines années, à l’image de l’Egypte ou encore la Turquie.
– Comment recadrer la finance dans un contexte où les ratios de rentabilité restent les principaux indicateurs?
– Si vous voulez parler de rentabilité des banques, cela ne changera rien. Bien au contraire, car dans le cas des banques conventionnelles, souvent elles affichent des taux de rentabilité élevés alors que les entreprises perdent de l’argent. L’autre indicateur est l’écart entre le taux de croissance des profits du secteur bancaire et le taux de croissance du PIB qui a bien du mal à décoller par les temps qui courent.
– Quel impact pourrait avoir la finance participative sur les investisseurs et particuliers qui ont des réserves sur les prêts bancaires?
– Le législateur avait déjà préconisé un impact important dans le préambule de la loi 103-12. Aujourd’hui, en préparant leur business plan, les banques sont optimistes car l’on sait que l’argent thésaurisé dans les bas de laine est important et que les transactions commerciales en numéraire sont également nombreuses. Or, cet argent ne touche pas le circuit bancaire et ne soutient pas le cycle économique formel. L’augmentation du taux de bancarisation profite toujours à l’économie. Aujourd’hui au Maroc, ce taux n’est que de 55%, mais en le ramenant au nombre de personnes au lieu du nombre de comptes ouverts, il ne serait que de 30% environ.
– Il y a de gros risques dans le contexte mondial actuel. Quelles frontières entre la banque islamique et les financements illicites? Quelles garanties pour contrôler la provenance des fonds?
– De ce côté-là, je crois qu’il n’y a aucune crainte. Notre système bancaire est sécurisé, contrôlé et rigoureusement gouverné. Par ailleurs, tout le monde sait que l’argent du terrorisme, même lorsqu’il se déclare fallacieusement islamique, est un argent sale, qui ne s’encombre pas de licite ni d’illicite. C’est là le paradoxe.
– Qu’est-ce qui explique le retard pris sur la finance participative au Maroc?
– Les autorités monétaires, appuyées par des membres du gouvernement, avaient toujours vu dans la finance islamique un cheval de Troie des islamistes pour pénétrer le système économique et financier et renforcer leur crédibilité. C’était surtout lors des années de plomb. Aujourd’hui que les relations se sont pacifiées, cet argument n’est plus d’actualité. D’un autre côté, le sentiment était partagé chez les décideurs politiques et les financiers que banque islamique est synonyme de l’entrée de banques étrangères, notamment du Golfe, avec pour conséquences une perte de parts de marché et un dévoiement de la culture locale, tendant à ériger un mur entre la religion et les affaires. Dès que l’on a pris conscience que cette banque islamique, nous pouvions la faire home-made et faire en sorte que les principaux acteurs de la place se positionnent sur le marché, les réticences se sont vite dissipées.
– Comment vous appréciez le potentiel de la finance islamique au Maroc?
– Une enquête de Thomson Reuters avait été diligentée en 2013. Elle avait montré que 79% des Marocains particuliers souhaitaient avoir recours aux produits financiers islamiques. Du côté des professionnels et entreprises, 72% des interviewés disent qu’ils recourront aux produits de financement islamiques. S’y ajoutent 22% qui répondent: peut-être. Ces chiffres ont permis de tirer des conclusions selon lesquelles les actifs des banques participatives atteindraient entre 5,2 et 8,6 milliards de dollars, générant un profit estimé à un montant qui oscille entre 67 et 112 millions de dollars!
Source : http://www.leconomiste.com/article/980553-banque-islamique-les-reticences-se-sont-dissipees

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