Les capitaux propres des banques participatives, issus des activités conventionnelles de leurs maisons mères, soulèvent des questions sur leur conformité. Pour la clientèle, le remboursement par mensualité et le positionnement tarifaire similaires au crédit classique réduisent la banque participative à un simple habillage marketing.
Les banques participatives auraient-elles oublié l’essentiel ? Alors qu’elles se sont pleinement lancées dans l’ouverture de comptes et le placement de ressources, des doutes persistent chez les potentiels clients, remettant en question la légitimité même de cette nouvelle industrie. C’est à dessein que la filiale participative d’Attijariwafa bank, Bank Assafa, a organisé récemment une rencontre animée par un expert du cabinet spécialisé dans la finance islamique, Al Maali Group, pour clarifier certains points.
Un premier élément qui sème le doute dans l’esprit des consommateurs concerne l’origine des fonds propres des nouvelles banques. Il n’est un secret pour personne que ce sont les établissements conventionnels, maisons mères des banques participatives, qui ont apporté la plus grande partie de leurs capitaux. Ces fonds étant issus d’une activité «illicite», au regard de la Charia, les clients en arrivent logiquement à remettre en question la conformité de l’activité des banques participatives. Etonnamment, ni les autorités, ni les professionnels ne se sont attelés jusqu’à présent à communiquer à grande échelle et de manière claire sur la question. Pourtant, leur réponse est déjà toute trouvée. Il n’y a pas lieu de remettre en question la licéité des activités participatives, car c’est la relation contractuelle qui va être établie entre les banques islamiques et leurs clients qui est déterminante, plus que la provenance des capitaux propres, assure Wail Aaminou, directeur associé au sein de Al Maali Group. En termes simples, ce n’est pas tant la provenance des capitaux que ce qui en est fait qui détermine véritablement la conformité des nouvelles banques. Cette manière de voir, à laquelle adhère évidemment le Conseil supérieur des oulémas au Maroc, constitue le courant de pensée dominant parmi les experts internationaux, «sans toutefois faire l’unanimité», relativise M. Aaminou.
Une tarification proche de celle des banques classiques
Un autre aspect qui suscite des questionnements de la clientèle se rapporte au fait que les produits participatifs semblent en fin de compte similaires en tous points aux solutions conventionnelles. A ce titre, dès que les établissements ont communiqué leurs premières simulations de financements relatifs à la Mourabaha immobilière (seul produit disponible actuellement), les clients se sont étonnés des tarifs qui adoptent plus ou moins ce qui a cours au niveau des banques conventionnelles, ainsi qu’il ressort de nombreux avis de particuliers, diffusés à travers les réseaux sociaux. Au final, il s’agit de payer une mensualité chez les uns comme les autres, est-il exprimé, ce qui conforte une bonne partie des usagers dans l’idée que la finance islamique se résume à un habillage marketing. Mais c’est aller un peu vite en besogne. Les usagers ont été interpellés par le tarif du financement islamique, du fait qu’une idée répandue veut que pour qu’une marge bénéficiaire demeure licite au regard de la Charia, elle doit se limiter au tiers du prix. Évidemment, en s’alignant sur le crédit classique, les banques participatives ont dépassé ce dernier seuil.
Mais le fait est que la Charia ne détermine aucun plafond de ce type, insiste le directeur d’Al Maali Group. La loi islamique dispose plutôt que le prix doit avant tout être la conséquence d’un marché qui doit toutefois être véritablement concurrentiel, éclaire l’expert. Sous cet angle, les établissements islamiques qui, faut-il le rappeler, sont des entités à but lucratif, sont tout à fait en droit de s’aligner sur le marché sans remettre en question leur conformité.
En outre, si au final crédit classique et financement participatif se résument tous deux pour le client au paiement d’une mensualité, cela ne veut pas dire qu’ils sont à mettre dans le même panier. Le plus important est le process décliné pour aboutir à ce résultat final, ce sur quoi les banques islamiques bâtissent justement la conformité de leurs produits. En effet, alors que les établissements conventionnels n’agissent la plupart du temps que comme prêteurs, les banques participatives endossent, elles, selon les produits, les rôles d’investisseur, acheteur, vendeur, bailleur… Une manière de faire qui amène une prise de risque pour la banque légitimant de fait les transactions effectuées.
Le CSO a le dernier mot sur le référentiel et la politique des banques participatives
Il faut aussi rappeler que tout un appareil institutionnel et réglementaire est mis en place pour s’assurer que les banques participatives se tiennent scrupuleusement à la ligne de conduite dont elles se prévalent. Le premier élément de cet appareil est le Conseil supérieur des oulémas (CSO) qui a le dernier mot sur le référentiel et la politique des banques participatives. En ayant centralisé cette fonction d’émission de fatwas au niveau du CSO, le Maroc s’est assuré de l’uniformité des avis qui seront émis. Cette standardisation devrait par exemple éviter au marché marocain que les banques se prévalent d’être plus respectueuses de la Charia les unes par rapport aux autres, explique l’expert d’Al Maali. A cela s’ajoute la fonction de conformité Charia que chaque banque doit établir pour suivre et appliquer les directives du CSO, relever d’éventuelles anomalies… Encore faut-il que cette fonction ait toute l’indépendance requise pour mener à bien sa mission.
Source : lavieeco.com