Certaines banques participatives recommandent, voire poussent leurs clients à souscrire une assurance-vie classique. D’autres assurent prendre en charge totalement le risque, mais seuls des clients triés sur le volet bénéficient de ce traitement. Quelques opérateurs refusent toujours d’accorder la Mourabaha faute d’assurance Takaful.
Les huit banques que compte le secteur de la finance participative (5 filiales et 3 fenêtres) sont opérationnelles depuis quelques mois déjà malgré un écosystème incomplet. L’assurance Takaful, entre autres, n’est pas disponible, son cadre réglementaire étant toujours en cours d’élaboration. Selon des professionnels, les premiers produits sont attendus d’ici la fin de l’année (voir encadré). Cette couverture est pourtant nécessaire pour que les banques participatives puissent accorder, sans risque pour le client, des financements, notamment la Mourabaha immobilière. Certaines d’entre elles, ne souhaitant pas rester les bras croisés, commercialisent ce produit sans assurance et malgré cela leurs agences ne désemplissent pas. Des financements ont déjà été consentis et plusieurs centaines de dossiers sont en cours de traitement. Il faut dire qu’en accordant ce type de financement, les banques n’engagent pas leur responsabilité car la réglementation précise bien qu’il revient au client de souscrire une assurance (Takaful) dans le cadre de son financement. Ce qui revient à dire aussi qu’aucune autre assurance ne doit être acceptée, encore moins exigée au moment de la signature du contrat.
Or, il a suffi de faire un tour dans quelques agences de banques participatives pour se rendre compte qu’il existe certaines pratiques en contradiction avec le principe même du financement participatif. Sous les consignes implicites de la hiérarchie, des chargés de clientèle recommandent, voire «poussent» les clients à contracter une assurance-vie auprès d’une compagnie d’assurance conventionnelle pour obtenir, sans risque, un financement Mourabaha. Ce qui est certes non conforme à la charia compliant mais qui sert aussi bien l’intérêt de la banque que du client.
D’un côté, les ayants droit sont couverts en cas de décès ou d’invalidité de l’emprunteur et peuvent rembourser le financement contracté avec le capital versé par l’assureur. De l’autre, la banque ne court pas le risque d’un défaut de paiement et s’évite de passer par la case contentieux.
Dans le cas où elle est présentée, cette assurance classique n’est pas acceptée sur toute la durée du financement. Elle ne doit donc couvrir que la période entre la signature du contrat Mourabaha et l’opérationnalisation de l’assurance Takaful; sachant que le contrat de financement comprend une clause selon laquelle le client s’engage à souscrire une assurance Takaful dès son entrée effective sur le marché.
En cas de décès, ce sera au cas par cas…
De leur côté, prises par un excès d’enthousiasme lié surtout à cette période de lancement, d’autres banques qui «n’exigent pas» une assurance-vie conventionnelle promettent, elles, à leurs clients la prise en charge totale du risque en cas de décès ou d’invalidité. Mais cela n’est pas systématique. Seuls les «gros clients» peu risqués ou disposant de garanties solides (commerce, biens…) sont concernés. Pourtant, il est du devoir des banquiers de conseiller et de sensibiliser leurs clients, toutes catégories confondues, sur les risques encourus en cas d’obtention d’un financement immobilier participatif non assorti de l’assurance Takaful.
Et si, par malheur, un client décède avant la mise en place de Takaful ? La réponse des responsables est ambiguë, en l’absence d’une procédure clairement arrêtée. «C’est au cas par cas, en fonction de la situation de chaque client que notre banque compte agir», explique le directeur général d’une banque participative de la place. Un chargé de clientèle, pour sa part, détaille: «Nous essayons de trouver la solution la moins nuisible pour notre client, comme celle de piocher dans ses pensions de retraite en cas de décès, ou de faire appel à un membre de la famille afin de prendre en charge le remboursement avec un transfert de la propriété du bien immobilier à son nom». La solution n’est donc pas tranchée, ce qui laisse penser qu’un recours au tribunal n’est pas à exclure.
En tout cas, si certaines banques se sont lancées dans cette aventure, jugeant le risque acceptable en cette période transitoire, d’autres préfèrent attendre l’entrée en vigueur effective de l’assurance participative avant de lancer leur offre de financement, quitte à perdre quelques clients potentiels. L’objectif est double : éviter de prendre des risques pour la banque en cas de décès ou d’invalidité du client et éviter à ce dernier de mettre ses ayants droit dans une situation conflictuelle avec la banque.
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